Les origines de la fête de la Saint-Jean-Baptiste

Les fêtes agraires entourant le solstice d’été remontent à l’Antiquité et sont fortement liées au culte du soleil, d’où la coutume des feux de joie, qui constitue l’apanage le plus ancien de la Saint-Jean-Baptiste. Le culte de la lumière, celle du soleil et celle du feu, marquait donc le jour le plus long de l’année, soit le 21 juin. Or, le passage du calendrier julien au calendrier grégorien entraîna le déplacement de la fête au 24 juin comme c’est toujours le cas aujourd’hui, et ce bien que le solstice d’été prenne place quelques jours plus tôt.

Les pratiques entourant ce culte sont incertaines, mais elles auraient pu impliquer des sacrifices d’animaux et peut-être même, à une époque fort éloignée, des sacrifices humains. En plus de son caractère de rite de passage saisonnier, la fête du solstice d’été marquait également un jalon dans le cycle de production agricole, alors que s’entamaient les grands travaux des champs qui ne s’achèveraient qu’à la fin de l’été.

Comme plusieurs coutumes populaires ou « païennes », les fêtes entourant le solstice d’été furent reprises et intégrées par l’Église au sein du calendrier chrétien et associées à la figure de saint Jean-Baptiste, cousin de Jésus. Souvent nommé le Précurseur, celui qui annonça la venue du Christ, Jean le Baptiste est,  avec la Vierge et le Christ, l’un des trois seuls personnages du Nouveau Testament associés à une fête majeure du calendrier liturgique.

Jean est né de Madeleine, la sœur de Marie, quelques mois avant Jésus, l’histoire voulant que Jean ait bondi de joie dans le ventre de sa mère quand celle-ci rencontra sa sœur enceinte du Christ. Jean devint d’abord berger, avant de démarrer un mouvement de conversion qui suscita une grande adhésion et qui était caractérisé par le baptême par immersion. Jean, désormais appelé le Baptiste, fut un prédicateur fort respecté, annonçant la venue imminente du Christ, ce dernier venant justement à sa rencontre lorsqu’il atteint l’âge symbolique de 30 ans (l’âge de la majorité).

Or, l’histoire de Jean le Baptiste ne s’arrête pas là. On le retrouve plus loin dans la Bible alors qu’il est en prison pour avoir critiqué l’union incestueuse entre le roi Hérode de Judée et Hérodiade, la femme de son frère. Bien qu’il l’ait jeté en prison, il est dit d’Hérode qu’il aimait bien Jean et respectait sa sagesse, ce qui n’était aucunement le cas d’Hérodiade, qui lui vouait une haine sans borne. Lors d’une fête, Salomée, la fille d’Hérodiade, âgée alors d’environ 15 ans, se livra à une danse qui renversa le roi Hérode, ce dernier promettant d’offrir à la jeune fille ce qu’elle voulait pour la remercier. Après avoir été consulter sa mère, Salomée demanda au roi qu’on lui apporte la tête de Jean le Baptiste sur un plateau. Fort peiné de cette requête mais ne pouvant perdre la face devant sa cour, le roi ordonna l’exécution du Baptiste. Cet événement enfanta d’ailleurs l’expression « vouloir la tête de quelqu’un sur un plateau ».

La figure de saint Jean-Baptiste est donc complexe, lui qui fit d’abord figure de prophète annonciateur du Christ, ce dernier disant de lui que « parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’en a point paru de plus grand » (Évangile selon saint Mathieu, 11.11), puis de martyr des caprices érotico-rancuniers du couple royal de Judée. Comme nous le verrons plus loin, ces faces paradoxales de la figure de saint Jean-Baptiste furent tour à tour reprises par l’imaginaire et la symbolique de la fête en territoire québécois, bien que dans des contextes et avec des visées bien différents.

Pour ce qui est de la fête elle-même, elle prit, au sein de la cosmogonie chrétienne, une importance non négligeable, marquant, à six mois d’intervalle, le pendant de la naissance du Christ marquée par la fête de Noël, qui symbolise elle-même, avec le solstice d’hiver, le début du triomphe de la lumière sur les ténèbres du jour le plus court de l’année. S’il est évidemment permis de questionner l’exactitude historique du récit ou de l’interprétation chrétiens, il n’en reste pas moins que sa symbolique marqua grandement la fête de la Saint-Jean-Baptiste, qui ne se départit cependant pas pour autant de ses éléments populaires.

La fête se perpétua ainsi jusqu’à la Renaissance, conservant plusieurs éléments et coutumes relevant de la religion et de la culture populaires (notamment les feux de joie), en plus de prendre un visage et une symbolique chrétiens. C’est à ce moment que la Saint-Jean-Baptiste fut importée d’Europe en Amérique du Nord par les premiers colons français.

Bibliographie sélective

Donald Luc Boivert, Religion and nationalism in Quebec : the Saint-Jean-Baptiste celebrations in sociological perspective, thèse de doctorat, Université d’Ottawa, Ottawa, 1992.

Arnold van Gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981 (1909).

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